Le premier est forcément irrationnel, instable, capricieux, un peu fou, mal organisé, chaotique. Le deuxième est beaucoup trop rigide, loin du corps et des problèmes de l’intime, il ne comprend rien à l’amour et aux sentiments. C’est un robot. Suprême insulte : Une machine !
Mais pourquoi l’écrivain et le mathématicien sont-ils devenus des figures contradictoires, opposées ?
Que s’est-il passé ?
Je vais interroger le copilote de Genario :
De quand date l’opposition entre l’artiste et le scientifique ?
Voici ce qu’il me répond :
« L’opposition entre le romancier et le scientifique remonte à la fin du XVIIIe siècle. Cette opposition est principalement due à l’émergence de la pensée romantique, qui a mis l’accent sur les émotions et les sentiments, en opposition à l’approche plus rationnelle et analytique des sciences. Cette tension entre les deux camps s’est poursuivie jusqu’à nos jours, même si certaines des idées romantiques ont été intégrées dans les sciences ».
Ah je commence à mieux comprendre l’origine de la haine…
Qui sont les plus éminents écrivains romantiques ?
Je redemande au Copilote qui me répond :
Gœthe, avec les souffrances du jeune Werther; Lord Byron, avec son Don Juan; Hugo avec Notre Dame de Paris; Novalis; William Wordsworth, et Mary Shelley avec son Frankeinstein.
Je serais moi-même assez contradictoire…
Car j’adore la pensée romantique, Gœthe, Novalis, Baudelaire, Victor Hugo, Lord Byron. J’admire leur panache, leur charisme, leur vision de l’homme, mélancolique (la beauté est souvent un peu mélancolique) et solitaire. Ce pessimisme, cette vision tragique de l’humanité et des rapports humains.
J’apprends aussi que leur mépris de la logique et de la science serait une conséquence politique des carnages de la Révolution Française et de la philosophie des Lumières qui mettaient la Raison au-dessus de tout (encore des réponses du Copilote, mon deuxième cerveau avec les livres…).
N’y aurait-il pas cette même peur en ce moment de la science avec le réchauffement climatique et les guerres industrielles ? Sans aucun doute.
La figure du Romantique fait un retour triomphal dans notre civilisation.
Mais en même temps, moi qui suis un admirateur de la Renaissance et des Léonard de Vinci, des Pic de la Mirandole, de l’esprit des Lumière avec les Diderot et les Montesquieu, de leur admirable Encyclopédie, j’avoue être un peu déchiré…
D’un côté Baudelaire, Rimbaud, René Char, et de l’autre Voltaire, Diderot et les romanciers de l’Oulipo.
D’un côté le mystique et de l’autre l’artiste organisé.
Mais faut-il vraiment choisir son camp ? Nous ne faisons pas de politique mais de la littérature. On peut être juif et aimer Céline. Être de droite et admirer les poèmes d’Aragon ou les pièces de théâtres de Jean Paul Sartre. Voter à gauche et se passionner pour les œuvres d’Ellroy et de Houellbecq. J’ai même des copains machos qui lisent en secret les romans de Virginie Despentes et Christine Angot…
Et revenons à l’intelligence artificielle. Oui cette technologie est dangereuse comme la voiture est dangereuse. L’avion peut bombarder des villes et nous faire voyager à l’autre bout du monde. Les trains sont allés jusqu’à Auschwitz et nous permettent de nous emmener dans les plus belles villes du monde.
Faut-il laisser l’intelligence artificielle aux militaires ou construire des machines pour les romanciers ?
C’est à nous, les écrivains, les poètes, les scénaristes, de nous saisir de la technologie contemporaine pour en faire des œuvres d’art.
N’oublions pas notre rôle, notre mission: construire des œuvres aussi dangereuses qu’un orage d’été ou une tempête. Approcher le sublime. Nous servir d’une plume, d’une machine à écrire, d’un ordinateur pour raconter de belles histoires à nos lecteurs, nos proches, nos enfants.
Cordialement,
David Defendi